vendredi 30 avril 2010

Chroniques des deux royaumes

Petite *kof* histoire en réponse au défi "Sex is not the ennemy"

En résumé on vous donne une image et vous avez un mois pour écrire autour d'elle, le seul impératif étant de garder le sexe des personnes photographiées.

J'ai eu ça :



Et ça a donné ça :

Fandom : Original
Genre : Comment caser trois personnages ensembles en moins de trois semaines d'écriture / Threesome / Deux filles, un mec
Rating : Déconseillé aux moins de 16 ans ? Pour la scène de fin. Et encore, j'ai pas eu le temps de détailler, ça reste soft.
Wordcount : 9676

C'est une ficlette qui aurait pu être une longue nouvelle si j'avais eu un peu plus de temps. Résultat : il manque des passages. Mais c'est pas forcément gênant pour la compréhension...
Je remplirai peut-être les trous (sans mauvais jeu de mots aucun~~) un jour mais rien n'est moins sûr.

Ça ne rime pas à grand chose et c'est loin d'être original mais je me suis plutôt amusé à l'écrire. En espérant que certains d'entre vous s'amuseront aussi à le lire. ^^



La vaste salle du trône de Bel'ose était vide, en cette heure matinale, de son lot de courtisans et politiciens qui ne tarderaient pas à entamer autour du monarque leur ballet quotidien. Les lourdes draperies écarlates rehaussées d'or étaient encore tirées sur une aube à peine naissante et les hautes fenêtres demeuraient closes sur les premiers trilles des oiseaux saluant l'approche du jour. L'obscurité était chassée, autour du siège royal, par deux chandeliers d'or aux courbes aériennes supportant chacun une dizaine de bougies dont la lourde fragrance fleurie emplissait l'air confiné. Leur lumière vacillante donnait une apparence fantasmagorique à la figure assise, droite et raide, sur le trône de bois précieux à l'inconfort manifeste. Les pierres ornant la couronne, à son front, renvoyaient les flammes avec des reflets inquiétants, miré par l'unique bague enserrant son index gauche, taillée d'un seul tenant dans un rubis à l'écarlate sanglant. Ses yeux demeuraient dans l'ombre et l'on ne distinguait de son visage qu'une très courte barbe noire soigneusement taillée en pointe et les jeux des flammes sur ses pommettes hautes. La façon dont sa tête s'inclinait légèrement en avant laissait penser que son regard dinvisible se portait en deçà de lui, au bas des marches sculptées menant à son trône. Là, un genoux en terre sur le tapis aux motifs compliqués, se tenait le prince Ash'ad, le visage levé vers son père avec une déférence non exempte d'une certaine méfiance et d'une fatigue évidente, la lumière changeante des bougies creusant encore les cernes sombres soulignant ses yeux verts présentement veinés de rouge. Il était vêtu de pied en cape et les scintillement des multiples bijoux le parant en remontraient largement à la couronne sise sur l'auguste crâne et sous laquelle, n'eut été la pénombre, le prince aurait pu voir les sourcils se froncer dangereusement. Inconscient de ce déplaisir, le jeune homme étouffa un bâillement qui fit monter des larme au coin de ses paupières et, se rappelant à ses devoirs – ou, plus sûrement, pressé d'en avoir terminé avec cette étrange entrevue et de pouvoir regagner ses draps trop tôt délaissés – inclina légèrement la tête, faisant danser des reflets de flamme sur ses cheveux auburn.

« Vous m'avez mandé, Père ? »

Le souverain opina.

« En effet, Ash'ad. Il est temps. Tu dois partir en quête de ta promise.

- Quoi ?! Maintenant ?! »

Le ton aussi atterré que geignard fit se crisper les mains du roi sur les accoudoirs polis tandis que le regard vert se relevait sur lui, oubliant étiquette et protocole. La bouche se tordit sous la barbe en pointe.

« Oui, maintenant. Crois-tu que je veuille que la cour entière assiste à ton départ ? Es-tu donc si pressé de mourir ? »

Le prince avala sa salive et baissa à nouveau le front, un léger voile pourpre habillant ses pommettes aussi racées que celles de son géniteur.

« Non Père, veuillez m'excuser je... n'avais pas réfléchi. »

Le monarque de Per'ghai leva les yeux au ciel.

« Inutile d'énoncer des évidences, mon fils. », ignorant la crispation soudaine des mâchoire du jeune homme agenouillé devant lui, le roi haussa la voix, semblant parler par dessus la tête humblement baissée, « Les préparatifs sont-ils terminés ? »

Une silhouette se désolidarisa des ombres derrière le prince et ce dernier se retourna dans un sursaut lorsqu'une voix chaude et indubitablement féminine s'éleva en réponse :

« Tout est prêt, sire, les chevaux n'attendent que leurs cavaliers dans un endroit connu de moi seule. »

La femme s'avança d'une démarche souple et vint s'agenouiller à côté du prince, le moindre de ses mouvements empreint d'une grâce féline et d'une sûreté mortelle. Elle était vêtue d'une tunique courte et d'un pantalon ajusté, dans des tons bruns, par-dessus lesquelles s'attachait des pièces de cuir noir épais protégeant son torse, ses bras et ses cuisses. De hautes bottes souples gainaient ses mollets et ses mains robustes disparaissaient sous des genre de gantelet du même cuir que son armure. La poignée d'une longue épée dépassait par-dessus son épaule gauche, une arbalète battait sa hanche droite tandis qu'une courte dague était glissée dans un fourreau fixé sur sa cuisse gauche. Ses courts cheveux noirs bataillaient en tout sens alors que ses yeux de même teinte se baissaient respectueusement devant son souverain. La seule parti de son accoutrement accrochant la lumière dansante était les six anneaux d'argent décorant le pourtour de son oreille droite.

« Fort bien. Je savais pouvoir te faire confiance.

- Sa Majesté me fait trop d'honneur. »

Le petit sourire fier remontant un coin des lèvres pleines prouvait que cette modestie n'était que de façade et l'apercevoir fugitivement rendit au prince l'usage de la parole.

« Père ! C'est... ça... enfin... elle... Une femme ?! C'est ce que vous appelez un garde du corps ?!

- Il suffit Ash'ad ! »

Le jeune homme rentra la tête dans ses épaules sous la remontrance paternelle pleine de colère et, presque, de dégoût. Il était plus subtil d'habitude, il sentait toujours le point de rupture bien avant de l'atteindre. Le manque de sommeil et l'alcool pas encore totalement nettoyé de son organisme laissaient s'exprimer son caractère avec un peu trop d'entrain...

« Samen'del est parmi les meilleurs de nos chevaliers. Et un éclaireur de tout premier ordre. Elle est la plus qualifiée pour cette mission, que cela te plaise ou non ! Je te rappelle également que l'une des conditions à ce voyage était que tu sois le seul homme escortant la princesse. Je t'aurai volontiers adjoint une armée d'amazones mais tu devrais également savoir qu'un trop large groupe attirerait l'attention sur vous. Il m'arrive parfois de me demander pourquoi je m'acharne à me préoccuper de ta sécurité quand tu sembles tellement pressé toi-même de rejoindre nos aïeux.... »

Ash'ad passa une langue nerveuse sur ses lèvres sèches.

« Pardonnez-moi Père.

- Cesse de t'excuser. », Le roi agita une main sur laquelle brillait l'écarlate du rubis, « Si la clémence envers la stupidité n'était pas partie intégrante de mon caractère je t'aurai probablement noyé à la naissance... », il reporta son attention sur la guerrière agenouillé sans tenir le moindre compte du regard choqué de son fils, « Es-tu sûre que nul ne se posera de questions sur ton départ brusque ? »

Elle secoua négativement la tête, les courts anneaux s'entrechoquant sur son oreille.

« Aucun risque, Majesté : je disparaît fréquemment sans en avertir qui que ce soit et j'ai annoncé à plusieurs reprises avoir reçu un long congé à partir de ce jour. Personne ne s'étonnera.

- Une minute ! », le prince couva tour à tour Samen'del et son père d'un regard furieux, « Comment se fait-il qu'elle soit au courant depuis des jours tandis que je n'avais aucune idée du pourquoi de cette audience incongrue lorsque votre serviteur m'a tiré du lit il y a moins d'une heure ?! »

L'ombre d'un sourire moqueur se dessina sous la moustache sombre. A moins qu'il ne s'agisse d'une grimace de dégout.

« Pitié, fils, si je t'avais parlé de ton départ imminent tout le palais aurait été au courant dans la demi-journée suivante... »

Ash'ad hésita à démentir et se draper dans sa dignité outragée. Mais, malgré ce qu'en pensait sûrement son père, même lui était capable de se rendre compte que le moment était mal choisi. D'autant plus qu'il était totalement inutile de faire preuve de mauvaise foi devant l'homme qui l'avait mis au monde et connaissait le moindre de ses travers... Il se contenta d'un vague grommellement pouvant signifier des tas de choses et se redressa, faisant mine de brosser sur ses vêtements une poussière qu'il savait inexistante : les serviteurs connaissaient leur travail et à cette heure-ci la salle du trône était toujours impeccable de propreté.

« Puisqu'il semble que tout ait été merveilleusement agencé dans mon dos...

- Ne sois pas sarcastique, ça ne te réussit pas. Et il me semblait que le serviteur que j'ai envoyé te réveiller devait te préciser de t'habiller de façon discrète... »

Ash'ad haussa un sourcil et baissa le regard sur sa tenue.

« Je suis habillé de façon discrète ! Du moins aussi discrète que demande une audience à l'intérieur du palais. Si vous aviez jugé bon de me prévenir j'aurai éventuellement pu passer l'une de mes tenues d'entrainement. Elles n'ont que quelques broderies et les coutures sont à peine rehaussée d'or... »

Malgré l'obscurité il fut possible de distinguer une très nette lueur de désespoir dans le regard que le monarque passa de son fils à son garde du corps toujours agenouillée au côté de ce dernier.

« Samen'del... »

L'interpelée releva la tête, réprimant un nouveau sourire en coin.

« Ne vous inquiétez pas Sire, j'ai prévu une tenue de rechange, elle nous attend avec les chevaux. »

Un soupir de soulagement échappa au souverain.

« Je savais que je faisais le bon choix en te désignant pour cette tâche. », il se tourna vers son fils au moment où ce dernier allait exprimer tout haut la vexation qu'il ressentait à les entendre s'entretenir de lui de la sorte, « Ash'ad, » la voix profonde n'avait plus rien de blessante elle était seulement mortellement sérieuse et le jeune homme se figea, toute velléité de gamineries oubliée, « ce voyage n'aura rien d'une partie de chasse ou de l'une des tes escapades. Tu risques ta vie et celle ta future également. Tu sais combien les opposants à cette union sont nombreux, et ce parmi toutes les classes sociales de nos deux royaumes. Nulle part vous ne serez en sûreté avant que la cérémonie n'ait officiellement été conduite à son terme. Méfie-toi de tout et de tous. Reste constamment sur tes gardes. Mets ta fierté de côté et suis les moindres recommandations de Samen'del. Et pour l'amour du ciel essaye de ne pas faire l'idiot ! »



Ash'ad grommelait toujours contre le sermon paternel en suivant Samen'del à travers le parc royal désert. Ils empruntèrent les allées les plus discrètes jusqu'à disparaître dans le bois aménagé jouxtant les dépendances de l'aile ouest.

Dans la salle du trône le roi Jaï'neshy avait quitté le siège de sa fonction pour venir s'asseoir sur les marches devant lesquelles les plus matinaux de ses ministres n'allaient pas tarder à venir s'agenouiller. Sa couronne reposait près de lui et ses longs cheveux sombres exceptionnellement détachés balayaient le sol. Il regardait sans la voir la porte par laquelle avait disparu Ash'ad et son escorte réduite. Il n'était pas du genre à prier. Ne l'avait jamais été. Parfois, il le regrettait. S'en remettre à d'autres que lui pour assurer la sécurité de son fils – et, avec lui, de l'avenir de sa lignée – aurait été tellement sécurisant. Il ne pouvait qu'espérer. Avoir foi. Non pas en les dieux mais en la femme qu'il avait lui-même choisi pour cette tâche et en les qualités relativement bien dissimulées de son rejeton. Il laissa échapper un long soupir fatigué. Ces prochaines semaines allaient être longues...



« Je suis obligé d'enlever les bracelets aussi ? », geignit Ash'ad avec un regard de chien battu en direction de sa tortionnaire. Qui la laissa totalement de glace.

« Surtout les bracelets ! Ils font tellement de bruit en s'entrechoquant que n'importe quel coupe-jarret entendra arriver leurs carats à des lieux à la ronde... »

Le prince soupira ostensiblement en rangeant les bijoux incriminés dans l'une des fontes reposant sur la croupe de son cheval. Ils y rejoignirent colliers et bagues, premières victimes de l'élimination méthodique menée par Samen'del sur ses effets personnels. Il lui lança un nouveau regard teinté d'agacement.

« Et les boucles d'oreilles, je peux les garder, elle ? Tu en porte bien toi et on ne peut pas dire qu'elles soient discrètes ! »

La guerrière jeta un coup d'œil critique aux lobes du prince.

« Oubliez celle en or montée d'un rubis qui à l'air plus lourd que vous. Les autres sont plus passe partout, mais ne venez pas vous plaindre si vous vous faites arracher une oreille au détours d'un chemin : je vous aurais prévenu. »

Ash'ad marmonna des imprécations en retirant le pendant de rubis qui prit place parmi les autres abandonnés. Il conserva les trois anneaux d'or diversement travaillés, en parti par défi puéril, davantage parce qu'il était à peu près sûr qu'ils étaient relativement discrets. Également parce qu'il supportait difficilement l'idée de ne porter aucun bijou du tout.

« Voilà qui est fait. Pouvons-nous y aller maintenant, ou bien penses-tu encore à me dépouiller d'autre chose ? Ma fierté peut-être, au point où elle en est..?

- Cessez donc de vous plaindre, cette tenue vous va bien mieux que la précédente. Vous ressemblez presque à un homme comme ça.

- Continue de m'insulter de la sorte et je te jure que tu ne rentreras que pour voir se refermer sur toi la porte d'un cachot !

- Vous voyez que votre fierté de mâle va très bien, pas de souci à avoir. », elle sauta souplement en selle, donnant sans un mot de plus le signal du départ.

Rongeant son frein, Ash'ad se hissa plus lentement sur son propre cheval, déjà épuisé par sa trop courte nuit alors que le soleil se levait à peine. Cette journée menaçait d'être l'une des plus longues de son existence.

Il lança sa monture au petit trot derrière celle de Samen'del. Au moins avait-elle eu un certain goût dans le choix des vêtements qu'elle l'avait forcé à passer en lieu et place des siens, à présent pliés dans ses sacoches de selle. Ils étaient à peu de chose près le miroir de ceux qu'elle portait, si ce n'est que les pièces de cuir étaient d'un brun-rouge chaud plutôt bien assorti à sa couleur de ses cheveux. Il ne pouvait pas dire qu'ils n'étaient pas confortable mais il avait l'habitude de porter des tenues amples, de sentir les étoffes se mouvoir autour de lui. Cet accoutrement trop ajusté lui donnait l'impression d'être nu. Même ses tenues de combat (d'entrainement au combat pour être tout à fait juste) comptaient au minimum une chemise bouffante et quand la saison le permettait il n'aimait rien tant que les assortir d'une jupe courte. Il soupira en tirant sur un gantelet de cuir dans la futile tentative de l'assouplir un peu et décida qu'il était resté silencieux suffisamment longtemps à ruminer pour lui-même. Il talonna légèrement son cheval pour l'amener au niveau de l'étalon bai de son garde du corps.

« Alors tu es cette fameuse femme faisant parti de la Garde Royale. Comment dit-on : une... chevalière ?

- Un chevalier. Une chevalière c'est une bague et je n'ai nulle intention de vous laisser m'enfiler.

- … », le moins que l'on pouvait dire, c'est qu'elle n'y allait pas par quatre chemins, c'était plutôt rare chez les femmes de Perg'hai. Du moins celles qu'il fréquentait. « Comme si l'idée pouvait m'en effleurer ! »

Son air dégouté ne devait pas être suffisamment convaincant au vu du sourire en coin que lui accorda Samen'del. Elle était belle et elle le savait, cette manipulatrice à la langue trop bien pendue ! Même ses cheveux courts n'ôtaient rien à la féminité de ses traits, au contraire même l'accentuaient-ils. Sa tenue étroitement ajustée ne cachait rien de ses formes et même l'armure de cuir ne parvenait pas à camoufler sa poitrine opulente. Ash'ad tira légèrement sur ses rênes et se laissa dépasser de quelques longueurs. La piste forestière qu'ils arpentaient était un peu étroite pour avancer à deux de front. Et puis ça ne faisait pas très sérieux d'avoir une érection en détaillant le chevalier auquel on cherchait querelle...



La fin de leur première journée de voyage fut atteinte sans incident notable. Si ce n'est un accrochage avec quelques bandits que Samen'del eut vite fait d'occire. Ash'ad n'avait pas tiré son épée du fourreau, se contentant d'observer le combat à distance respectable. Le chevalier n'avait pas fait le moindre commentaire et ils s'étaient arrêtés un peu plus loin pour déjeuner. C'était peu après que le prince avait commencé à se plaindre que la journée traînait en longueur et à ordonner de faire halte pour la nuit. Elle avait été intraitable, arguant que cette mission devait être menée le plus rapidement possible, quand même elle prenait la peine de répondre et ne se contentait pas de talonner son cheval sans un regard en arrière. Ash'ad avait décidé qu'il détestait cette femme.

Comme le crépuscule commençait à tomber, et qu'il s'apprêtait à s'enquérir d'une voix acide si elle comptait épuiser leur chevaux sous eux en les faisant galoper la nuit entière, elle s'immobilisa en haut de la dénivellation marquant visuellement la fin de la large piste sur laquelle ils chevauchaient depuis des heures. Sa monture renâcla lorsqu'il la pressa d'avancer mais il se retrouva finalement botte à botte avec sa compagne de voyage. Elle ne lui faisait plus vraiment le même effet qu'à l'aube, sa fatigue croissante ne lui donnant le loisir de ne penser qu'à se plaindre et pas à un quelconque éventuel acte de plaisir charnel. Elle n'attendit pas qu'il se soit arrêté à sa hauteur pour indiquer d'un mouvement de main la petite ville se nichant au creux d'une modeste vallée encaissée entre les collines verdoyantes et la forêt sombre de l'Athy'at.

« Épargne l'une de tes sempiternelles jérémiades, Ash'ad : voici l'endroit où nous allons passer la nuit. »

Le prince donna un tel coup de rênes que son cheval manqua se cabrer et lui jeta un long regard accusateur. Il lui tapota l'encolure sans y penser, ses yeux ronds fixés sur Samen'del, incapable pendant quelques secondes d'articuler le moindre mot construit.

« Je... tu... vous... Mais pour qui diable te prends-tu, femme ?! Oublier mon titre et me tutoyer ?! Certains ont été exécutés pour moins que ça ! Si l'on rajoute tes remarques irrespectueuse tu es même bonne pour le bûcher ! »

Elle sourit face à son air de dignité outragée. Elle. Sourit. Condescendante.

« Je suis profondément navrée mais il va falloir t'y habituer, Ash'ad. Nous allons oublier les ronds de jambes et les politesses pour le reste de ce périple. J'ai l'habitude de souvent voyager, je suis connue un peu partout, jusqu'aux frontières du royaume – et un peu au-delà même. Que je vouvoie un compagnon de route paraitrait très suspicieux. », Son sourire se tordit, se teintant de menace, « Et je te préviens : appelle moi « femme » encore une fois et je t'en colle une. »

Les mains du jeune homme se crispèrent sur ses rênes. Il la détestait vraiment ! Mais plus encore détestait-il les conflits. Sa voix se maintint à un niveau quasiment naturel, à l'exception, peut-être, de quelques montées aigüe dénotant un certain agacement.

« Si tu comptais réellement être crédible il aurait peut-être fallu me trouver un pseudonyme ? Loin de moi l'idée de rivaliser avec ta renommée mais il se trouve que je suis un peu connu, moi aussi... »

Elle balaya son sarcasme d'un bref mouvement de main, comme chassant un insecte importun.

« Ton nom est connu, non ton visage. Et si tu savais le nombre de gamins qui se sont vus baptisés d'après toi depuis ta naissance. On voit bien que ces pauvres gens ne te connaissent justement que par ton patronyme... », elle ne fit pas cas du regard sombre que lui lança le prince, mettant son cheval au pas tout en continuant à parler, « D'après ce que je sais, ce que ton père qualifie d'escapades ne t'ont jamais conduit plus loin qu'à une petite demi-journée de cheval. Je doute que qui que ce soit ici risque de te reconnaître, d'autant plus dans cette sobre tenue. Je préfère prendre ce risque plutôt que celui que tu ne te retournes pas lorsque je t'appellerai par un quelconque pseudonyme... Mais comme prudence est mère de sureté, disons que nous allons couper la poire en deux. Qu'en penses-tu, Ash ? »

Il n'avait eu d'autre choix que de la suivre sur la piste descendant la colline en longs serpentements poudreux. Il s'étrangla bruyamment, avalant par là-même la poussière se soulevant sous les sabots de leurs montures, avant d'enfin réussir à élever une voix érayée.

« Cela me convient encore moins !

- Quel dommage pour toi que tu n'aies pas voix au chapitre... »




« Samen'del ! »

Ils étaient assis depuis plusieurs dizaines de minutes en face d'assiettes pleines d'une nourriture raisonnablement mangeable, dans la salle commune d'une auberge plutôt propre et éclairée, après que le chevalier se soit occupée de leur réserver des chambres. Ash'ad jetait parfois alentour des regards curieux et vaguement inquiets : il ne sortait que rarement du palais pour autre chose que des visites officielles en compagnie de son père, et les personnes qu'ils fréquentaient alors restaient dans le cercle de la plus ou moins haute noblesse. Il s'échappait parfois avec ses amis – fils de familles influentes vivant au palais depuis leur plus jeune âge – se rendant dans les bourgs les plus proches de la capitale, faisant mine de prendre des risques et de fréquenter le peuple tout en sachant que jamais la garde royale ne les laissait partir sans les surveiller discrètement. Jamais encore ne s'était-il fondu ainsi au milieu d'eux en la seule compagnie d'un chevalier s'avérant appartenir au sexe faible. Aussi, lorsqu'une femme plantureuse, à la large poitrine impudiquement dévoilée par un décolleté vertigineux, se jeta littéralement vers leur table, sursauta-t-il violemment, lâchant sa fourchette qui tomba avec force éclaboussures dans son plat en sauce pour saisir la poignée de son épée. Il ne rencontra que le vide, sur sa hanche, les tenanciers ayant tous pour consigne de conserver par devers eux les armes de leurs clients jusqu'à ce que ces derniers quittent leur établissement. Fort heureusement pour le prince, ce mouvement un tantinet ridicule passa inaperçu des deux femmes, pour l'heure trop occupées l'une de l'autre...

« Vous êtes de passage et vous nous préférez ce bouge sordide ?!

- Ferme ton clapet la Maquerelle, si tu ne veux pas que je sorte ton gros cul de ce bouge sordide à grand coups de trique ! », l'apostropha le propriétaire des lieux semblant plus amusé que réellement furieux.

La femme tourna vers lui une œillade langoureuse :

« Ne me fais pas de propositions que tu ne pourras pas tenir, Ira'kam : tu sais bien que je suis trop chère pour toi. »

La moitié de l'assistance éclata de rire tandis que l'autre jetaient des regards réprobateurs dont la madone n'avait manifestement que faire, revenant aussitôt à la charge auprès de sa proie initiale.

« J'espère au moins que vous ne me ferez pas l'outrage de dormir ailleurs que chez moi ?! Toutes les filles attendent avec une telle impatience la moindre de vos visites... »

Samen'del secoua négativement la tête.

« Pas cette fois, Slel'el. Je voyage avec un ami aujourd'hui. », elle indiqua Ash'ad d'un bref mouvement de tête, « Et il... ne se sentirait pas à l'aise dans votre établissement. Ce n'est pas son genre, vous comprenez..? »

La femme replète eu un sourire compréhensif sous son lourd maquillage.

« Ho. Je comprends. Mais peut-être pourriez-vous passer toute seule..?

- Navrée », le chevalier sourit à demi devant l'air désappointé de son interlocutrice, « C'est un ami de longue date et je m'en voudrais de le laisser seul. Ne vous inquiétez pas, Slel'el, je repasserai bientôt et ce jour-là vous verrez la couleur de mes deniers...

- Comment osez-vous penser que cela seul m'intéresse, Samen'del ?! », la tenancière se drapa dans une dignité outragée qui ne trompa manifestement personne, à commencer par elle-même, « Je patienterai en me réjouissant d'avance de votre prochaine visite dans ce cas. », elle lança à Ash'ad un clin d'œil tentateur, « Si d'aventure vous changiez d'avis sur la question, ami de Samen'del, n'hésitez pas à nous rendre visite ! Notre maison possède les femmes les plus expertes dans l'art d'apprendre de nouvelles voies... »

Elle se retira avec une révérence n'ayant pour seul résultat que d'exposer plus encore sa poitrine charnue, ne laissant pas le temps au prince de retrouver suffisamment ces moyens pour rétorquer. Il venait seulement de comprendre la teneur du dialogue entre les deux flemmes à son sujet. Quittant des yeux le postérieur rebondi s'éloignant au rythme de talons hauts, il lança à Samen'del un regard furieux :

« Tu... Tu lui as fait croire que... je... j'étais... »

Son expression de varia pas d'un iota mais il vit clairement une étincelle d'amusement allumer ses yeux sombres. Elle posa un doigt sur les lèvres du prince, l'empêchant de parler davantage et lui arrachant un petit frisson de surprise.

« Chut. Je comprends que tu sois fatigué après ce long voyage. Regagnons notre chambre, tu veux ?

- … Notre chambre..? »



« Si c'est une plaisanterie elle est du plus total mauvais goût ! », s'exclama le prince aussitôt la porte refermée sur une chambre petite quoique bien entretenue. Le chevalier se retourna vers lui, toute gaité disparu de son regard ferme.

« Ma mission est de te protéger, Ash. De vous protéger, mon prince. », ajouta-t-elle dans un murmure qu'il eut presque peine à entendre malgré le peu de distance entre eux, « Comment pourrais-je le faire correctement si un mur nous sépare ? La lame d'un assassin a une vitesse effrayante, le sais-tu ? Je ne te quitterai pas d'une semelle jusqu'à notre retour, tiens-toi le pour dit. Cela n'a rien d'une plaisanterie. »

Ash'ad avala sa salive, un frisson glaçant son dos au terme d'assassin. Néanmoins, comme tout prince qui se respecte, il préférait presque mourir que ne pas avoir le dernier mot...

« Je veux bien entendre ton argument sur le danger que peu receler la séparation d'une cloison, cependant, était-il vraiment besoin de pousser la sécurité jusqu'à prendre une chambre pourvue d'un seul lit..?

- Il ne leur restait que ça. », le sourire revint danser dans les yeux noirs, « Nous pourrions encore accepter l'offre de Slel'el en arguant que tu as décidé de mettre tes préférences sexuelles à l'épreuve... Cependant il nous faudrait alors partager non seulement une chambre mais aussi les filles mises à notre disposition. De plus je doute que ton auguste père accepte sans broncher 'bordel' dans la note de frais... »

Ash'ad imagina un instant l'expression que pourrait arborer son royal géniteur devant une telle justification de dépense de voyage. Il sortit de ses pensées avec un vague frisson désagréable et décida de se concentrer sur les combats présents. Le roi trouvait déjà suffisamment de sujet sur lesquels le tancer sans qu'il ne lui en invente d'autres...

« Ton raisonnement ne tient pas debout : tu as fait croire à cette femme que je préférais les hommes – et tu paieras pour cet affront une fois cette mission menée à bien, tu peux m'en croire ! - et sa réaction prouvait assez qu'elle n'a pas de marchandises masculines. Qu'irais-tu faire en ce lieu... », il s'interrompit, tandis que la conversation ayant pris part dans la salle commune dansait dans sa mémoire, « … pourquoi a-t-elle affirmé que tu manquais aux filles..? Et par tous les dieux qu'es-tu donc en train de faire ?! »

Tuniques et protections de cuir tombaient à cet instant aux pieds de Samen'del, qui tourna vers lui un demi-sourire moqueur et une poitrine plus mise en valeur que dissimulée par les bandes de tissu la soutenant.

« Je me déshabille, quelle question. Tu ne crois tout de même pas que je vais dormir vêtue de pied en cape ?! Si tu te préoccupes de ta sécurité, sache que je me bats tout aussi bien nue... »

Une lame froide vint se poser sur la gorge du prince. Mais il n'était pas certain que sa difficulté soudaine à avaler sa salive provienne du contact de l'acier tranchant ou plutôt de celui du corps à demi-nu et de ses formes clairement féminines pressées contre lui.

« Parfois ça marche même mieux... Et pour répondre à ta question », le sourire se tordit, vaguement lascif, alors que la guerrière se serrait un peu plus, son souffle caressant son oreille, « je préfères les femmes. »

La dague disparut dans son fourreau et Samen'del s'éloigna souplement de lui. Collés comme ils l'avaient été il n'était pas concevable qu'elle n'ai pas eu conscience de son désir quasi immédiat à son contact. Le pire étant sûrement que l'imaginer dans les bras d'autres femmes lui faisait encore plus d'effet. La nuit allait être longue...



La clairière était plongée dans l'obscurité, plusieurs silhouettes immobiles se dessinant en son centre, à la vague lueur d'une lune timide. Du coin de l'œil, Ash'ad perçut le mouvement nerveux de Samen'del posant sa main sur la poignée de la large épée suspendue dans son dos. Il avala silencieusement sa salive mais n'en continua pas moins à avancer, dignement, à quelques pas devant elle. Lorsqu'il s'arrêta finalement, en face du groupe solennel, son garde du corps se plaça à son côté à peine en retrait et dans une posture clairement guerrière. Elle ne cherchait pas l'affrontement statuant simplement qu'elle taillerait en pièce la première personne faisant un mouvement un peu brusque... Mais l'atmosphère n'était pas à la violence. Lourde, oui, et tendue, mais d'une tension plus mélancolique que belliqueuse. Un bras se tendit, lentement, cérémonieusement, un bras d'homme d'après la carrure dissimulée sous la longue cape à peine soulevée par ce mouvement presque chorégraphié. Aussitôt, la plus petite des silhouettes se détacha des autres et s'avança vers Ash'ad. Samen'del ne fit pas le moindre mouvement, il la sentit même se détendre perceptiblement lorsque la personne encapuchonnée s'arrêta devant lui, si proche que leurs corps se touchaient presque. Un instant elle demeura immobile, comme indécise, puis, sur une longue inspiration décidée, saisit sa main dans les siennes, la souleva vers son visage et y posa ses lèvres. Le prince frissonna à ce toucher délicat, irréel sous la lumière blafarde de la lune. Lorsqu'il leva à nouveau les yeux, la clairière était déserte comme si personne n'en avais jamais foulé le sol depuis le commencement du monde. Seule se tenait, droite et fière à ses côté, celle qui serait bientôt sa femme. Elle avait conservé sa main dans l'une des siennes et il n'était pas pressé qu'elle décide d'en faire autrement.



Pas un mot n'avait été prononcé jusqu'à ce que le jour ce lève. Ils avaient traversé dans l'obscurité la forêt qui faisait office ici de frontière entre les deux royaumes. Ainsi en avait-il été convenu : la lumière du soleil devait les trouver hors des terres de Perghaï. Ash'ad n'avait pas une fois desserré son étreinte sur la petite main lovée dans la sienne, tout en suivant la démarche souple et cadencée de Samen'del. Plusieurs fois les avait-il cru perdu et s'en était-il ouvert à voix haute sans autre réaction qu'un haussement d'épaule dédaigneux et justifié : elle avait su les mener à bon port, au retour comme à l'aller, et ils avaient même devancé l'aurore de quelques longueurs à la lisière de la sylve millénaire.



« Je suis Ilyista Danrak, je vous offre mon cœur, mon corps et mon nom, Prince du royaume de Bel'ose. »

La capuche de la longue cape vert sombre tomba dans son dos, suivi d'une cascade de boucles blondes. Malgré la soumission de ses propos, elle le regardait bien en face, plantant droit dans les siens de grands yeux d'un bleu azuré. Elle n'était pas grande, et sa tenue faite de voiles et de couches de tissus légers affectionnés par son peuple laissait savamment deviner les formes féminines de son corps potelé. Son visage était un peu rond, presque enfantin encore, mais ses expressions étaient indéniablement celles d'une femme faite. Elle était adorable. Ash'ad avait appris, durant de trop longues matinées studieuses, les us et coutumes du royaume voisin. Mais il n'aurait pas été capable de s'en souvenir à cet instant, sa vie en aurait-elle dépendu.

« Je m'appelle Ash'ad. Ash'ad Ir'rak'eyst. Je... je suis ravi de faire enfin votre connaissance, princesse Ilyista. »

Elle eut un léger sourire, un peu timide, tandis qu'un voile rouge venait teinter ses joues pâles.

« Le plaisir est pour moi, Prince Ash'ad. »

S'il n'était pas déjà tombé amoureux depuis leur tout premier contact, dans cette clairière féérique, il aurait rendu les armes face au regard mêlant étroitement timidité et attente qu'elle lui lança en même temps que ces mots convenus. Peut-être consciente de son trouble grandissant, elle se détourna de lui pour s'intéresser à la troisième composante de leur groupe restreint, restée en retrait de leur conversation avec une réserve inhabituelle, pour ce qu'Ash'ad savait d'elle...

« Et comment se nomme notre zélée garde du corps ? »

La guerrière tomba aussitôt un genou en terre et le prince ne put s'empêcher de remarquer qu'elle inclinait la tête bien plus bas que devant son père même.

« Je me nomme Samen'del Tai'kaly, chevalier de la Garde Royale de Bel'ose. Je vous supplie de me considérer dès à présent comme votre plus humble servante, princesse. »

Une rire cristallin empli les airs.

« Je ne demande pas mieux que d'accepter vos service, Samen'del Tai'kaly, mais rien en vous n'est humble d'une quelconque manière. », elle s'avança de quelques pas pour tendre une main en direction de la femme toujours inclinée, « Vous êtes trop belle et trop fière pour vous agenouiller devant qui que ce soit. Relevez-vous, chevalier. »

Samen'del releva la tête et leurs regards se croisèrent de longues secondes avant qu'elle n'accepte la main tendue, ne s'y appuyant que symboliquement pour se redresser, la gardant quelques secondes de trop dans la sienne lorsque ce fut fait. Elle était plus grande que la princesse, sa peau hâlée, ses cheveux sombres et sa tenue guerrière contrastant avec la pâleur ivoirienne, la blondeur et les voiles ondoyant de cette dernière. Ash'ad se tendit face au spectacle qu'elles formaient, frappé à la fois d'une jalousie instinctive et d'un désir douloureux.



« Oserai-je m'enquérir du pourquoi du fait que le tutoiement ne s'étende pas à la princesse Ilyista ? Soudainement, nous n'avons plus besoin de passer inaperçus..? Les parties réfractaires à notre union vont la trouver tellement adorable qu'ils nous escorteront à bon port plutôt que d'essayer de nous occire..? Ce en quoi je ne leur donnerai certes pas tort mais tout de même, cette supposition me semble un rien utopique... »

Ils s'étaient remis à cheval après une courte pause, Samen'del ouvrant la voie et la princesse entre eux deux, montée sur une jument isabelle que le chevalier avait eu la présence d'esprit de se procurer au dernier village traversé avant leur arrivée au point de rendez-vous. La guerrière tourna vers lui une expression dédaigneuse qu'il commençait à bien connaître, l'onyx de son regard brillant un peu trop au goût de son égo.

« Réfléchis, Ash. Nous ne pourrons décemment espérer faire gober à qui que ce soit que Dame Ilyista soit la compagne de route de deux guerriers en vadrouille. », elle le jaugea un instant du regard, « Ou d'un guerrier et demi, peu importe les mathématiques. », Comme de bien entendu, elle ne lui laissa pas le loisir de repriser cet énième accroc à sa fierté princière, « Nous sommes donc à présent deux gardes du corps escortant une jeune fille de bonne famille à la capitale où elle va assister aux noces de sa cousine. Sa famille étant tombée en désuétude ils n'ont pu se payer que nous. Mais c'est déjà une fois et demi mieux que rien... », Elle dirigea ses yeux sombre vers la princesse, ayant suivi leur échange sans piper mot, « Que vous en semble, Ma Dame ? Ce scénario vous convient-il ? »

Ash'ad ne put voir l'expression d'Ilyista lorsque cette dernière hocha la tête en réponse.

« Je vous fait entièrement confiance concernant les moyens d'assurer notre sécurité durant ce voyage, Samen'del. Et j'ai suffisamment appris des us et coutumes de ce royaume pour jouer une jeune provinciale en chemin pour sa première visite à la capitale. »

Sur cette assertion se tourna-t-elle vers lui, une main posée sur la groupe de sa jument pour mieux lui faire face. Elle montait à califourchon avec au moins autant d'aisance que Samen'del, ce qui n'était pas courant pour les femme de Bel'ose, plus coutumières de la monte en amazone. Et le prince s'était rendu compte avec surprise que la longue et ample robe qu'elle portait était en réalité un large pantalon lui permettant sans peine d'enfourcher sa monture, qu'elle montait avec une économie de mouvements remarquable. Elle lui accorda à cet instant un sourire contrit qui lui fit instantanément oublier toute rancœur à l'égard du plan de Samen'del.

« Pardonnez-moi de vous obliger à cette comédie pour moi, princ... messire Ash.

- Je considère comme un plaisir et un honneur de faire n'importe quoi pour vous, Ma Dame. »

Un petit ricanement s'éleva à la tête de leur modeste colonne et Samen'del éleva la voix du haut de son étalon alezan.

« Inutile de lui donner du messire, Dame Ilyista. Vous pouvez même le tutoyer, ça fera plus vrai...

- Ho, voyons, je ne pourrais jamais aller jusque là ! »

La princesse secoua ses boucles blondes en rougissant et Ash'ad se rappela pour la millième fois depuis le début de leur périple pourquoi il détestait son garde du corps.



« Venez me rejoindre, Samen'del, l'eau est délicieuse ! »

Le chevalier de Bel'ose était assise à quelques pas du bassin naturel formé par la rivière qu'ils suivaient depuis le début de cette chaude journée. Ses sens ne lui avaient pas fait repérer le moindre intrus étranger au règne animal dans cette forêt claire et aérée, aussi lorsque la princesse s'était extasiée sur la clarté de l'eau et la chaleur du soleil avait-elle jugé suffisamment sûr de lui permettre une halte pour se rafraichir. Elle n'avait cependant pas pensé que cette dernière irait jusqu'à congédier le prince Ash'ad par-delà un rocher moussu et plusieurs rideaux d'arbres afin de pouvoir se dévêtir totalement et plonger dans l'onde paisible. Elle n'avait pourtant pas émis la moindre réserve, se contentant de confier à Ash'ad sa large épée à deux mains, lui intimant de l'agiter devant un éventuel agresseur tout en appelant à l'aide. Il avait eu l'air rien moins qu'enchanté mais avait obtempéré lorsque la princesse, d'un air contrit, avait parlé de renoncer à son bain pour ne pas l'obliger à se mettre en danger pour elle. Samen'del l'avait regardé s'éloigner, sa lourde épée en main, sans trop de remords quant à son roi et sa mission : il risquait au pire une rencontre avec un animal sauvage que son premier cri mettrait en fuite...

Une gerbe d'eau éclaboussa son visage, la sortant de ses pensées et ramenant son attention sur le corps ruisselant de la princesse. Debout comme elle l'était, non loin de la berge abrupte, l'eau effleurait à peine la racine de ses poils pubiens, l'habillant de son ruissellement argenté.

« Venez donc, vous dis-je ! »

Une nouvelle éclaboussure appuya cet ordre un rien enfantin et Samen'del se redressa lentement, une douleur vague naissant au creux de ses jambes.

« Je me dois d'assurer votre sécurité, Ma Dame.

- Et vous le ferez d'autant mieux en étant plus près de moi... »

Le regard et le sourire ingénus appuyant cette proposition à peine voilée rendirent la douleur bien plus évidente. Bien plus pressante. Sans un mot, le chevalier quitta ses vêtements, prenant soin de nouer le fourreau de sa dague autour de sa cuisse nue avant de se laisser glisser dans l'eau, dont la fraicheur presque glacée fit courir un frisson le long de son échine. Ilyista avait disparu sous l'eau et ne refit surface que lorsque Samen'del eut fait plusieurs pas vers le centre du bassin. Ses cheveux blonds trempés ruisselèrent sur ses épaules, les gouttelettes brillant sur sa peau claire comme autant d'éclats de diamant. Elle rit doucement en désignant l'arme dans son fourreau de cuir.

« Vous êtes toute dévouée à votre mission, chevalier, c'en est presque effrayant. »

Mais la guerrière secoua la tête en s'approchant de la princesse à présent immobile, accroupie de telle sorte que la surface translucide joue doucement avec les courbes de ses petits seins.

« Pas à ma mission. Ni même à mon pays. Ou à mon roi. Plus maintenant. Depuis que j'en ai fait serment je ne suis dévouée qu'à vous, Ma Dame. Si vous me le demandiez, je vous arracherai à ce destin tout tracé. Je vous emmènerai loin d'ici, loin de nos deux royaumes. Je vous apprendrai à vivre libre... »

Elle rit. Un rire clair et sûr, en se redressant pour parcourir d'elle-même le peu de distance les séparant encore.

« J'ai choisi ce destin, Samen'del. Je suis princesse et je serai reine, tout comme vous étiez combattante, tout comme vous êtes chevalier : de toute mon âme et de tout mon corps. », Elle se pressa contre elle, se dressant sur la pointe des pieds pour refermer ses bras fins autour de la nuque de la guerrière et rapprocher sa bouche de son oreille. Samen'del frissonna encore au contact de la peau douce et fraîche, ruisselant contre la sienne. « J'épouserai cet homme, Samen'del. Je serai reine. Reine d'un tout nouveau royaume. Mon royaume. Cela je ne l'abandonnerai pour rien au monde. », Le murmure se fit plus joueur, un peu provocant, en même temps que les mains se faisaient caressantes sur les épaules hâlées, « Et puis il est beau, votre prince, j'ai beaucoup de chance. Ces cheveux aux reflets de flammes et ces yeux vert forêt... J'ai tellement hâte qu'il soit mien... », le murmure se déplaça le long de la joue du chevalier, jusqu'à effleurer ses lèvres entrouvertes sur un souffle indiscipliné. « Et vous, Samen'del ? Et toi ? Restera tu mienne, quelque soient mes décisions ? M'appartiendras-tu toujours ?

- Toujours, Ma Reine. »

Leurs lèvres se scellèrent sans qu'il fut possible de savoir qui avait initié leur baiser. Mais Samen'del savait. Ilyista menait la danse et la mènerait toujours, où qu'elle aille. Cela lui convenait. Elle ne détestait pas obéir si elle trouvait plus fort qu'elle. Elles s'abandonnèrent quelques instants à leur étreinte avant de se séparer, leur pacte scellé par le contact de leurs lèvres.


Bien plus haut, derrière le rocher surplombant de loin la berge de la rivière, les yeux sylvestres du prince observait la scène, hors de portée d'ouïe, mais certes pas de vue. Il avait tout d'abord, pour ce qui n'était ni la première ni certainement la dernière fois, ressentit de la jalousie à l'égard de la femme brune qui pénétrait dans l'onde à la suite de sa future tandis que lui se contentait d'un espionnage honteux. Très vite, cependant, le désir n'avait plus laissé place à beaucoup d'autres considérations. Lorsqu'elles s'étaient rapprochées, lorsque leurs corps s'étaient pressés l'un contre l'autre... Elles étaient belles ensembles, tellement belles. Tellement désirables, l'une comme l'autre. La peau hâlée, presque brune de Samen'del, ses cheveux courts, ses formes insolentes. La blancheur d'Ilyista, ses longs cheveux brillant comme un rayon de soleil, son corps tout en courbes discrètes. Emmêlées l'une à l'autre elles formaient le spectacle le plus érotique qu'il eu jamais vu. Et, lorsque leurs lèvres se joignirent, il ne put que plonger sa main dans ses chausses pour soulager un tant soit peu une érection trop douloureuse pour être ignorée.



Ils n'étaient qu'à quelques jours de chevauchée du palais lorsqu'ils leur tombèrent dessus. Pas des opposants séparatistes, non, mais des monstres. Il s'en rencontrait parfois, dans ces parages, loin de tout village, isolés sur une lande rocheuse battue par les vents. Samen'del avait espéré qu'en suivant la route marchande ils resteraient à l'abri de leurs attaques. C'était compter sans la morte saison ou, peut-être, la veulerie des marchands préférant faire un détour de plusieurs jours plutôt qu'emprunter la piste traversant le territoire des eld'engs. Elle avait pris le risque. Plus leur voyage s'éterniserait, plus les chances que quelqu'un questionne l'absence du prince augmentaient et plus leur sûreté – garantie en grande partie par le secret entourant leur départ – devenait précaire. Elle n'était pas imbue de ses capacité au point de se penser capable de battre une phalange entière d'assassins, si certains avaient le cran d'aller jusque là. Et ils l'auraient, elle connaissait suffisamment la nature humaine pour ne pas en douter. Elle avait préféré risquer les monstres. Mais peut-être avait-elle eu tort.

Ils les avaient encerclés, grossièrement. Son arbalète en main, elle avait pressé l'allure, criblant de carreaux leurs corps velus et difformes qui, une fois sans vie, s'écroulaient sur la landes en de nouveaux monticules de pierre aux formes grotesques. Mais l'un d'entre eux, d'un jet de pierre particulièrement bien ajusté – ou guidé par plus de chance qu'un être comme lui n'aurait du s'en voir accorder – avait tué sous elle la jument d'Ilyista. La princesse avait roulé à terre sans dommages tandis que Samen'del et Ash'ad freinaient brutalement leurs propres montures. Ils avaient dû faire front. Le prince retenait leurs chevaux d'une poigne dont il ne cherchait pas à cacher le tremblement. Ils étaient des chevaux de bataille et malgré leurs piaffés nerveux et leurs yeux écarquillés ils n'abandonneraient pas le combat si vite. Ils formaient un îlot protégeant un tant soit peu Ash'ad et la princesse des attaques des bêtes. Mais Samen'del n'était rien moins qu'assurée de l'issue du combat. Leur seule chance résidait dans la possibilité de rompre suffisamment les rangs adverses pour que les chevaux puissent les franchir. Elle espéra qu'ils seraient capables de prendre l'initiative de sauter en selle et de partir au triple galop dès qu'elle parviendrait à ouvrir une brèche. De ce qu'elle avait vu du caractère de la princesse, elle ne s'inquiétait pas outre mesure. Ash'ad suivrait. Ash'ad suivait toujours. Elle sourit en tirant ses derniers carreaux, puis remis son arbalète dans son fourreau, contre sa cuisse droite, avant de saisir, dans son dos, la poignée de son épée. Son sourire se fit carnassier tandis que les monstres marchaient vers elle.



Des corps et des membres pétrifiés jonchaient le sol autour de la guerrière, dont la respiration se faisait haletante. Ces immondices étaient-elles donc tellement décidés à les dévorer qu'ils ne connaissaient plus la peur ?! Si plus aucune caravane ne passait ici, ils étaient peut-être suffisamment affamés pour risquer la mort au bénéfice d'un quelconque repas... Si elle s'en sortait vivante elle devrait penser à en parler au roi. Si les routes marchandes n'étaient plus sûres à ce point il fallait décupler les patrouilles et nettoyer les environs ! Un bras tomba, sectionné par sa lame, et le sang jaunâtre l'éclaboussa un peu plus. Son épée se faisait de plus en plus lourde, elle ne tiendrait plus longtemps à ce rythme. Et aucune brèche ne s'était ouverte. C'était trop bête ! Sa mission s'était déroulée comme un charme d'un bout à l'autre et l'avenir des royaumes allait être brisé par de simples monstres ?! Une patte griffue s'abattit sur elle. Elle parvint à trancher plusieurs doigts mais le reste de l'appendice la heurta de plein fouet, l'envoyant voler à plusieurs mètres sous les hurlements de douleur du monstre estropié. Elle ne parvint pas à contrôler sa chute et l'atterrissage brutal sur le sol jonché de roches lui coupa le souffle tandis que la douleur faisait danser des points sombres à la périphérie de sa vision. Elle lutta contre l'inconscience. Elle sentait la bête se rapprocher. Elle n'aurait pas le temps de se relever pour se mettre en garde. Tout au plus attendre que le coup tombe et esquiver au jugé mais ses chances de s'en sortir entière étaient proche de zéro.
Ce n'était pas exactement le genre de mort qu'elle avait imaginé... Un combat, oui. Contre des monstres, pourquoi pas. Mais pas en emmenant avec elle les futurs rois et reines d'un royaume qui dès lors n'existerait jamais... Tous ses muscles gémirent dans son effort pour en reprendre le contrôle. Le coup arrivait trop vite, elle le sentait. Un choc sourd ébranla le moindre de ses os. Mais pas de la façon dont elle l'attendait.

Ash'ad se tenait devant elle, dos tourné, son épée, qu'elle avait toujours pensé de pure ornementation, dégoutante d'un liquide ocre et visqueux, un tas de pierre à forme vaguement monstrueuse gisant à ses pieds. Il se retourna pour lui tendre une main dont elle accepta sans mot dire le secours pour se redresser.

« Merci. De m'avoir sauvé la vie je veux dire. »

Il ne répondit que d'un ricanement plus nerveux que fier.

« Ne me remercie pas : qui allait nous sortir de là s'il t'avait pris l'idée de mourir ? Certainement pas moi : je l'ai eu en plein cœur mais c'était avant tout un coup de chance... »

Samen'del jeta un regard autour d'elle. La situation n'avait pas beaucoup évoluée, même avec un combattant de plus. D'autant que ce combattant-ci était censé avant tout saisir la moindre opportunité de fuite. Et qu'il n'était d'ailleurs pas le seul...

« Où est la princesse Ilyista ?

Toujours près des chevaux. Les monstres semblent éviter de les approcher, elle est sûrement plus en sécurité que nous...

- Tu n'aurais jamais du la laisser seule ! »

La lourde épée trancha la chair à sa portée.

« Je n'ai certes pas de compte à te rendre mais sache que c'est elle qui a insisté ! »

La fine lame du prince s'enfonça dans une orbite et un non-humain s'effondra en arrière dans un cri d'agonie.

« Un coup de chance, hein...

- J'ai toujours été très fort aux jeux de hasard. »

Ses plaisanteries camouflaient mal un net début de panique. Les rangs des bêtes se resserraient autour d'eux. Le prince hurla lorsque des griffes lacérèrent son bras qu'il n'avait pas ramené en arrière assez vite après une nouvelle attaque. Et tout devint blanc.



Les cadavres pétrifiés gisaient sur la lande. Agenouillé devant les montures piaffant nerveusement, Ilyista reprenait son souffle. Elle répondit d'une grimace contrite aux regards estomaqués dirigés sur elle.

« J'aurai préféré que vous ne sachiez pas cela avant le mariage... »



Ilyista et Ash'ad étaient seuls dans la pièce secrète qui servirait d'appartement à la princesse jusqu'à ce que le mariage puisse être célébré et que plus aucune menace ne pèse sur leur avenir immédiat. Dans chacun des royaume l'union était sacrée et même le plus fanatique des séparatistes ne lèverait plus le petit doigt sur eux une fois qu'ils seraient officiellement liés. Les deux royaumes ne feraient alors plus qu'un et une nouvelle ère débuterait, pour le meilleur ou pour le pire. En attendant cet avènement, Ash'ad reprendrait dès le lever du jour le chemin de ses propres quartiers et sortirait d'une longue maladie que ne démentiraient certes pas les cernes sombres soulignant ses yeux verts. Les futurs époux ne se verraient dès lors plus jusqu'au jour de la célébration. Moins par étiquette que par sûreté : personne ne devait pouvoir imaginer un seul instant que la princesse de Perghaï se trouve entre les murs du palais de Bel'ose. Nul ne devait, jusqu'à ce que les paroles rituelles soient prononcés devant les nobles témoins réunis sous un fallacieux prétexte, se douter de quoi que ce soit. Haletant, le prince rompit le baiser qu'ils partageaient depuis de longues secondes.

« Il est d'usage, dans ce royaume, que les époux consomment leur union une fois seulement les vœux échangés... »

Elle était aussi essoufflée que lui, et l'azur de ses yeux brillait de désir tandis qu'elle passait une langue impatiente sur ses lèvres entrouvertes :

« Il en est de même à Perghaï. », elle déposa un baiser au coin de la bouche princière, avant de s'appuyer légèrement sur son épaule pour susurrer à son oreille, « Mais nous allons créer un nouveau royaume, Ash'ad. Notre royaume. Nos règles. Nos lois. »

Il enfouit son visage dans la cascade de boucles d'or scintillant.

« En ce cas, je décrète qu'attendre le mariage est une tradition futile et arbitraire, édictée par de vieux impotents jaloux de la fougue de la jeunesse ! »

Elle rit doucement et ils s'embrassèrent à nouveau. Elle pourrait aimer cet homme. Plus qu'elle ne l'avait pensé. Elle savait qu'il était tombé sous son emprise au premier regard, mais elle devait être sûre. Se l'attacher définitivement cette nuit, avant leur séparation. Il avait vu ses pouvoirs, il les avait accepté, mais rien ne disait qu'il ne réfléchirait pas, ensuite. N'en parlerait pas à son père. Le roi de Bel'ose serait certainement moins coulant que son fils à ce sujet. Il annulerait le mariage. Pour le bien de son futur royaume – de leur futur royaume – Ash'ad devait se sentir lié à elle inconditionnellement. Elle le laissa la dépouiller de sa vêture, frémissante. Ce n'était pas en soit une tâche repoussante, que de s'attacher un si bel homme. Entièrement nue à présent, elle fit glisser de ses épaules à lui sa chemise de lin sombre, avant de repousser délicatement ses mains caressante. Il était une autre personne qui avait vu. Une autre qu'elle devait s'attacher sans condition. Sans que la tâche ne l'en rebute davantage. Elle fit un pas en arrière, dansant à demi sur ses pieds nus avant de sourire à Ash'ad.

« Nous ne pouvons pas commencer ainsi. Nous ne sommes pas au complet. »

Il haussa un sourcil, perplexe, haletant de désir contenu devant son corps offerts. Elle pirouetta sur elle-même et, d'une démarche toujours subtilement dansante, se dirigea vers la porte dérobée, menant à un escalier sombre, se terminant lui-même sur un mur coulissant qui ouvrait sur les appartements royaux. Elle ouvrit le battant et se trouva, nue et frissonnante, face à Samen'del. La guerrière se redressa du mur sur lequel elle s'appuyait, son épée à portée de main et le fourreau de sa dague largement ouvert. Son expression passa de l'interrogation à la luxure en une fraction de seconde, faisant sourire Ilyista. Elle tendit sa main fine et, sans lui laisser le loisir de rétorquer, saisit le poignet couvert de cuir et entraîna le garde du corps à l'intérieur de la pièce éclairée par la lumière tamisée de plusieurs chandeliers. L'absence totale de résistance disait assez la répugnance de la guerrière face à ce traitement. La porte se referma derrière elle et Ilyista accorda à son prince un sourire éclatant.

« À présent nous voilà au complet... »



Morceaux d'armures de cuirs et vêtements de voyage gisaient pêle-mêle sur le sol de pierre. Le prince l'embrassait sensuellement, ses mains douces caressant ses seins érigés, tandis qu'agenouillée à ses pieds, Samen'del prodiguait à son intimité les caresses expertes de sa langue. Ses mains à elle étaient dures et calleuses, tannées comme du vieux cuir. Elles écorchaient presque ses hanches sur lesquelles elles reposaient. C'était peut-être ce qui l'excitait le plus. Ilyista gémit entre les lèvres d'Ash'ad, donnant de petits coups de reins tandis que le plaisir l'envahissait, délicieusement douloureux. Il rompit leur baiser pour saisir un de ses mamelons entre ses dents et elle rejeta la tête en arrière, ses mains serrée sur les épaules masculines, s'y appuyant de tout son poids pour ne pas choir sous les vagues de chaleur irradiant de tout son corps. Elle se tendit, se cambra, laissant échapper un long gémissement de plaisir lorsque les caresses conjuguées de ses amants la plongèrent enfin dans un orgasme libérateur.



Samen'del sourit face au spectacle s'offrant à son regard. Leurs ébats avaient duré de longues heures. Tantôt passionnés et fougueux, tantôt doux et languides. Elle avait caressé, moqué, joué de la langue et des dents, aimé. Elle avait laissé Ash'ad pénétrer en elle alors que sa princesse l'embrassait profondément. Elle les avait regardé faire l'amour en se caressant paresseusement. Elle avait vu, du coin de l'œil, Ash'ad se masturber alors que, plaquée sous elle sur les draps emmêlés, Ilyista hurlait son nom entre deux gémissements haletant.

Elle avait aimé de nombreuses personnes, durant sa vie, majoritairement des femmes et pas forcément une à la fois, mais ces deux-là avaient quelque chose de spécial. Quelque chose qu'elle n'avait jamais trouvé nulle part ailleurs. C'est à quoi elle pensait en les regardant, dans le silence à présent presque étouffant de cette chambre sans fenêtres. Ash'ad était endormi à plat ventre sur le sofa, dédaignant le lit informe et tâché de leurs semences. Ses bras étaient lâchement posés au-dessus de sa tête et sa jambe tombait presque à terre, à peine retenue par un pied fin posée sur elle. Au-dessus de lui, sa petite poitrine pressée contre son dos, sa longue chevelure l'habillant de sa blondeur éclatante, dormait Ilyista. Dominante et vulnérable, possessive et abandonnée. Le sourire du chevalier se fit d'une douceur que nul ne pouvait se vanter d'avoir jamais observé sur son visage.
Elle se détourna, quelques instants, traversant l'espace plongé dans la pénombre pour s'accroupir à côté du tas informe qu'était ses vêtements. Elle en extirpa sa dague, dont elle noua à nouveau le fourreau sur sa cuisse nue avant, après un instant de réflexion, de saisir également la poignée de sa longue épée. Elle revint vers le couple entassé et posa son arme de prédilection contre l'accoudoir du sofa, juste à portée de main. Souriant toujours, elle se hissa avec un souplesse et une discrétion toute féline au-dessus de ses deux amants. Ilyista soupira doucement lorsqu'elle s'allongea sur elle et Ash'ad grogna vaguement, certainement contre ce poids supplémentaire. Elle sourit à nouveau, amusée, puis soupira à son tour en sentant les douces mèches blondes glisser sous sa joue tandis qu'elle fermait les yeux. Ses bras et jambes reposaient sur les leurs, les entouraient. Elle les protégerait, cette nuit et toutes les autres et les journées qui suivraient. Elle les aimerait comme ses amants, les respecterait comme ses souverains, mourrait pour eux, un jour, certainement. Le sommeil l'emporta lentement, doucement bercée par leurs respirations conjuguées.